Romantisme

Karl Maria von Weber (1786 - 1826) §

 

C'est l'auteur du Freischütz (1821), le premier opéra (en réalité un Singspiel) qui peut être qualifié de "romantique". Mais sa production, à vrai dire aujourd'hui un peu oubliée, comporte d'autres oeuvres qui méritent de demeurer. On citera le Quintette pour clarinette et cordes  en La Majeur (1815) et le Konzertstück pour piano et orchestre (1821). De même, l'ouverture d'Eurianthe et celle d'Obéron (1826) sont encore jouées quelquefois dans les concerts de musique symphonique 

A l'exception de l'avant-dernière oeuvre citée, tout cela est dans la CIME. 

Franz Schubert (1797 - 1828) §

 

Tandis qu'à l'horizon de la mémoire collective s'abaisse lentement l'étoile de Weber, monte et brille maintenant au firmament, celle de Schubert, le compositeur autrichien qui, en trente années d'existence, a égalé ce que Mozart avait fait en 35 ans et Beethoven en 57. On admire aujourd'hui ses symphonies dont les plus célèbres sont la Quatrième, la Cinquième, la Huitième (dite Inachevée) et la dernière à laquelle on ne sait quel numéro donner, et que l'on préfère pour cette raison appeler "la Grande". Schubert, c'est encore les Impromptus pour piano et les dernières sonates, une musique de chambre (trios, quatuors, quintettes) d'une profondeur inouïe et plus de six cents Lieder, genre dans lequel il a plus que tout autre excellé et dont il demeure à tout jamais le maître transcendant et incontesté...

Gioachino Rossini  (1792 - 1868) §

            

Replacé dans le contexte général de la musique européenne de son époque, Rossini est à contre-courant : il est classique lorsque tout le monde est romantique. Il est jovial et extraverti lorsque les autres sont tristes et méditatifs. Il affirme sa latinité dans l'opéra, et une extériorisation des sentiments toute méridionale et méditerranéenne, alors qu'est désormais venu le temps de l'élégie, du Lied passionné, du récital de piano et du pathos dans la musique symphonique. Pour autant, il ne viendrait à personne l'idée de prétendre que l'auteur du Barbier de Séville (1815) n'est pas une figure majeure de la première moitié du XIXème siècle. Rossini doit la plus grande part de sa gloire à ses ouvertures, celle du Barbier de Séville et de la Pie Voleuse (La Gaza Ladra - 1817) notamment, qui sont d'un entrain irrésistible.

La CIME ajoute à cela un enregistrement intégral de Guillaume Tell dans sa version française (1829), et les deux chefs-d'oeuvre de la vieillesse du musicien écrits longtemps après : un Stabat Mater (1842) et la Petite Messe solennelle (1863).

Hector Berlioz (1803 - 1869) §

 

Tout se passe comme si Berlioz avait besoin d'un texte littéraire pour composer. Et s'il n'y en a pas, il l'écrit lui-même comme pour la Symphonie Fantastique, oeuvre de musique à programme, censée illustrer sa propre histoire avec l'actrice anglaise Hariett Smithson, et qu'il sous-titre pour cette raison "Episode de la vie d'un artiste". C'est par cette symphonie, en effet, que Berlioz fait, en 1830, une entrée fracassante dans le cercle très restreint des "grands" du Romantisme français. Il y rejoint les poètes Hugo, Lamartine, Vigny et Musset, ainsi que le peintre Eugène Delacroix, auteur du célèbre tableau représentant la Liberté sur les Barricades de 1830. Par la suite, c'est à Lord Byron (symphonie avec alto concertant "Harold en Italie" - 1836), à Shakespeare (symphonie dramatique "Roméo et Juliette" - 1839), à Goethe (Légende dramatique "La Damnation de Faust" - 1846), à Théophile Gautier (Les Nuits d'Eté - 1856), et même au très ancien Virgile, poète latin de l'Antiquité (Les Troyens - 1859), à qui Berlioz fera appel pour stimuler son imagination musicale.

Et quand les poètes ne lui suffisent plus, c'est dans les textes sacrés qu'il ira puiser son inspiration (Grande Messe des Morts en 1837 et Te Deum en 1849) ; à moins que ce ne soit dans le récit évangélique lui-même (L'Enfance du Christ - 1854). Ajoutons à cela un premier opéra tiré des Mémoires du grand ciseleur italien "Benvenuto Cellini", et nous aurons ainsi nommé les oeuvres "incontournables" du grand romantique français.

Toutes sont intégralement dans la CIME.

Félix Mendelssohn (1809 - 1847) §

 

Petit-fils du grand érudit qui, au XVIIIème siècle, avait traduit la Bible d'hébreu en allemand, Félix Mendelssohn, converti au Luthéranisme, fut le génial rejeton d'une famille de riches banquiers de Hambourg, ville du nord de l'Allemagne qui l'avait vu naître. Il poussa même le zèle du nouveau converti jusqu'à épouser la fille d'un pasteur, et à mettre en musique, dans deux splendides oratorios (Paulus en 1836 et Elijah en 1846), l'histoire de Saint-Paul et celle du prophète biblique Elie. Le style de Mendelssohn se caractérise par sa finesse, son élégance, son brio et la précision de son écriture, où toutes les questions relatives à la chose compositionnelle (harmonie, contrepoint, instrumentation, orchestration, mise en forme de la pensée musicale) sont parfaitement résolues. Ses oeuvres restées célèbres, malgré l'interdiction prononcée contre elles en Allemagne sous le troisième Reich et les fulminations antisémites de Vincent d'Indy, sont : sa musique de scène pour le Songe d'une Nuit d'Eté de Shakespeare (1826 et 1842), sa Symphonie n°4 dite "Italienne" (1830), ses Variations Sérieuses pour piano (1841) et son  concerto en Mi mineur pour violon et orchestre (1844).

Si vous aimez Mendelssohn, la CIME vous permettra en outre d'entendre une douzaine d'autres partitions  de tout premier ordre qui ne figurent pas parmi celles qui viennent d'être citées. 

Frédéric Chopin (1810 - 1849) §

 

Chopin est, bien entendu, le poète du piano et le chantre de la Pologne révoltée parce que soumise bien malgré elle à la tutelle pesante de la puissance russe, prussienne ou autrichienne. C'est aussi le grand artiste aimé de George Sand qui essaya vainement, par un voyage aux Baléares demeuré célèbre dans les annales du romantisme, d'obtenir la guérison de la phtisie (tuberculose) dont souffrait le musicien polonais.

La musique de Chopin est faite essentiellement et presque uniquement d'oeuvres écrites pour le seul piano : des danses "stylisées" comme ses valses, ses polonaises et ses mazurkas, ou des pages plus spécialement destinées au développement de la technique instrumentale et de la virtuosité : "Etudes" et "Préludes" principalement. Mais c'est peut-être dans les opus intitulés "Ballade", "Sonate", "Scherzo" ou "Impromptu" qu'il faut rechercher l'expression la plus achevée du génie de Chopin. Une brève chronologie des oeuvres le plus souvent entendues en récital,  permettra à chacun de s'y retrouver un peu : Ballade n°1 en Sol mineur (1830), Etudes opus 10 (1832), Fantaisie impromptue (1834), Etudes opus 25 (1837), Scherzo n°2 en Si bémol mineur (1838), Valses opus 34 (1838), Grande Polonaise "Militaire" en La Majeur (1839), Grande Polonaise "Héroïque"en La bémol Majeur (1842), Troisième Sonate en Si mineur (1843), Ballade n°4 en Fa mineur (1843).  

Toutes ces oeuvres, ou presque, sont dans la CIME, et beaucoup d'autres que pourront écouter ceux qui se la procureront.

Robert Schumann (1810 - 1856) § 

 

L'appartenance au Romantisme, qu'il soit littéraire, musical, pictural (Delacroix) ou même architectural (Viollet-Leduc) semble bien être l'apanage d'une aristocratie. Quand ce n'est pas celle que confère la particule devant un nom de lieu d'origine, c'est celle que donne la noblesse du coeur et l'élévation de l'intelligence et des sentiments.

Schumann, enfant, était appelé par sa mère "mein Lichtpunkt", ce qui, en allemand, signifie "mon point de lumière". Tel il était dans sa prime jeunesse, et tel il est resté jusqu'à ce que la maladie mentale vienne détruire ce sublime exemple de créativité artistique.

Schumann, cela commence avec du piano et quel piano ! Le Carnaval opus 9 (1835), les Fantasiestücke opus 12 (1837), la grande Fantaisie opus 17 en Ut Majeur (1836) et les Kreisleriana opus 16 (1839), pour ne citer que les oeuvres les plus souvent jouées par les grands pianistes effectuant des tournées internationales. Viennent ensuite les Lieder (250 environ) qui sont presque tous de 1840, année de son mariage avec Clara Wieck, puis les concertos (pour piano et orchestre en 1843 et celui pour violoncelle en 1850) auxquels s'ajoutent quatre très belles symphonies : la numéro 1, dite "du Printemps" (1841), la deuxième, en Ut Majeur (1846), la numéro 3, dite "Rhénane", la plus célèbre (1850), et une quatrième qui innove considérablement sur le plan de la forme puisque certains de ses mouvements s'enchaînent sans interruption. 

Après avoir découvert tout cela, il restera au mélomane intéressé par la musique de Schumann, encore beaucoup à écouter ; à commencer par sa musique de chambre, qui comporte deux superbes sonates pour violon et piano, des trios, trois quatuors à cordes et un célèbre quintette. De plus restera à connaître encore un opéra (Genoveva - 1848) qui est loin de manquer d'intérêt ; et ce qui est peut-être ce que Schumann a fait de mieux : ces oeuvres qu'on nomme "oratorios" faute d'une appellation plus adaptée : Le Paradis et la Peri (1843) et les Scènes pour le Faust de Goethe qu'il mit dix ans à composer et qui peuvent être considérées comme son chant du cygne.

Bien entendu, tout cela est dans la CIME, avec, en plus, les Danses des Compagnons de David (Davidsbundlertânze) et un Requiem peu connu mais fort beau.

Franz Liszt (1811 - 1886) §

 

Liszt fut, à coup sûr, le plus "international" des compositeurs de la grande génération romantique dont il demeure l'une des figures les plus marquantes. Né en Hongrie, magyar de nationalité, c'est en France tout d'abord qu'il rejoignit le mouvement romantique dans le sillage de Berlioz et de Chopin, et en tant que pianiste transcendant, comme ce dernier. Après avoir failli épouser une béarnaise, Liszt vécut ensuite maritalement avec une rivale de George Sand en littérature (la comtesse d'Agoult) qui lui donna trois enfants. Parmi ces derniers, une fille prénommée Cosima épousa Richard Wagner dont elle eut un fils, le fameux Siegfried.

Vers le milieu du siècle, Franz Liszt repartit en terre germanique où il continua de mener, à Weimar, une triple carrière de pianiste virtuose, de chef d'orchestre et de compositeur "engagé" au service du progrès moral et de la foi chrétienne. Progressivement, en effet, Liszt avait adhéré à un catholicisme de plus en plus intransigeant, qui explique un certain "retour à Palestrina", et qui le fit entrer dans les Ordres. A ce titre, "l'Abbé" Liszt fut amené à séjourner longuement en Italie avant de revenir mourir en Bavière, à Bayreuth, où il fut inhumé quatre années  après son "gendre".

On connaît, bien sûr, l'énorme et flamboyante (parfois un peu trop !) production de Liszt pour le piano. Celle-ci peut paraître dominée par la deuxième Rhapsodie Hongroise de 1851 ou la  Sonate en Si mineur de 1853 qui, l'une et l'autre, ont acquis une grande célébrité ; pas plus grande cependant que des pièces de dimensions beaucoup plus modestes comme le Troisième Nocturne (Rêves d'Amour - 1851), ou la Campanella (1851 également) empruntée à Paganini. Mais Liszt est aussi le créateur du poème symphonique et le "développeur" de la musique à programme. A cet égard, on doit citer "Mazeppa" (1851), "Les Préludes" (1853), la Faust-symphonie (1854) et la Dante-symphonie (1856), de très belles oeuvres dont la réputation n'a rien d'usurpé. Mais ce qu'il y a de plus remarquable sans doute, ce sont les oeuvres inspirées par la vocation messianique de Liszt ou son patriotisme hongrois, et parfois les deux en même temps : la Messe de Gran (1856), la Légende de Sainte-Elisabeth (1862) et le vaste oratorio "Christus" (1866).

Tout cela est audible dans la CIME.

Richard Wagner (1813 - 1883) §

  

A vrai dire, il y a deux Wagner : celui d'avant 1850 et celui d'après. Le premier a composé le Vaisseau  Fantôme (1843), Tannhäuser (1845) et Lohengrin (1850), de très beaux opéras qui le mettent au même niveau que les autres grands compositeurs allemands qui se sont essayés au genre avant ou en même temps que lui : Beethoven avec Fidelio (1814), Weber avec le Freischütz (1821), Schumann avec Genoveva (1846).

Le second Wagner, celui d'après 1850, est totalement différent et n'a plus rien à voir avec les auteurs qui l'ont précédé. C'est le Wagner métamorphosé de la Tétralogie (on dit aussi "le Ring"), celui de Tristan et Isolde (1865), des Maîtres Chanteurs de Nuremberg (1868) et de Parsifal (1882). Bien sûr, les vrais afficionados ne veulent connaître que celui-là. On dit que Jean-Paul Sartre pleurait lorsqu'il écoutait Tristan et Isolde ; et quiconque a la moindre appréhension du flot d'harmonies nouvelles que comporte ce chef-d'oeuvre inégalé, sinon par Wagner lui-même, comprendra les larmes du philosophe existentialiste. Sans doute riait-il de bon coeur en écoutant les Maîtres Chanteurs de Nüremberg, car c'est le seul opéra joyeux que Wagner ait composé. La Tétralogie est un cycle de quatre grandes partitions wagnériennes qui ont pour titre l'Or du Rhin (Rheingold - 1854), la Walkyrie (Die Walküre - 1855) Siegfried et le Crépuscule des Dieux (Götterdämmerung - 1876). Wagner a mis plus de trente ans pour en venir à bout, et c'est aussi dans cet immense ouvrage qu'il a exprimé ses convictions idéologiques et sa Weldanschauung (vision du monde). Le chef-d'oeuvre ultime de Wagner est Parsifal, un opéra qui dure cinq heures.

Oui, bien sûr, tout cela est dans la CIME sans en omettre une seule note... C'est plus économique que d'aller à Bayreuth où se tient chaque été un grand festival consacré aux oeuvres du Maître... Mais allez-y quand même, si vous en avez les moyens.

Post-romantisme

Camille Saint-Saëns (1835 - 1921) §

 

A maints égards, Saint-Saëns est un continuateur de Berlioz et de Liszt. Du premier, il tient le goût de la belle envolée lyrique, bien tonale, et du beau chant accompagné par un orchestre somptueux ; du second, il hérite de la forme du poème symphonique et de ce qui s'y rattache, ainsi que de la virtuosité transcendante pour le piano. Mais la comparaison s'arrête là, car, autant Berlioz et Liszt sont révolutionnaires pour leur époque, autant Saint-Saëns est conservateur, disons plutôt "porté à l'académisme" pour la sienne. Et comme il a vécu longtemps, cette tendance au néo-classicisme , qui fait, qu'au fond, il utilise le même langage harmonique qu'un Mozart ou un Mendelssohn, a fini par nuire à l'idée qu'on s'est fait au XXème siècle  de l'importance de son oeuvre.

Pour autant, on aurait tort de conclure que la musique de Saint-Saëns est dépourvue d'intérêt. Bien au contraire, elle en regorge, et de tout côté.

C'est pourquoi la CIME fait une large place à Saint-Saëns, qui va bien au-délà de ses oeuvres les plus connues : Introduction et Rondo capricioso (pour violon et orchestre - 1863), le trio en Fa (1867), La Danse Macabre (1874), Samson et Dalila (opéra - 1877), Le Carnaval des Animaux (1886), la Symphonie n°3 avec orgue (1886), la Havanaise (1887) pour violon et orchestre, sans omettre bien entendu les concertos pour piano n°2, 4 et 5. Du côté des oeuvres qu'on n'entend jamais au concert et qui méritent d'être bien mieux connues, il faut signaler les deux oratorios, l'un et l'autre positivement géniaux qui ont pour titre : Le Déluge (1876), La Lyre et la Harpe (1879).

Georges Bizet (1838 - 1875) §

 

Bizet, aujourd'hui, c'est tout d'abord une très belle symphonie écrite à 17 ans, alors qu'il était encore élève au Conservatoire ; c'est ensuite le magnifique duo "Au fond du temple saint" et "La Romance de Nadir", deux grands moments de lyrisme dans "Les Pécheurs de Perles" (1863), puis la musique de scène  écrite pour le mélodrame inspiré d'Alphonse Daudet : l'Arlésienne. On y trouve quelques-unes des pages les plus célèbres du compositeur français, comme le célèbre Carillon, le Menuet ou la Farandole finale. En 1873, ce sera encore "Les Jeux d'Enfants", une suite de pièces d'abord écrites pour deux pianos dont certaines seront orchestrés par Bizet lui-même. Enfin, en 1875, âgé de 37 ans, Bizet donnera son ultime et plus grand chef-d'oeuvre : Carmen, que le philosophe allemand Nietsche mettait même au dessus de Wagner, ce qui est peut-être un peu exagéré.

Dans la version informatisée de la CIME, l'acheteur ne trouvera que des extraits de Carmen. Mais le reste est tellement connu...

Bedrich Smetana (1825 - 1884) §

 

On connaît assez peu "le Père de la musique tchèque", à l'exception de son poème symphonique "La Moldau", qui est dans toutes les mémoires. Pourtant, Smetana fut un musicien abondant, auteur de plusieurs opéras "nationalistes" qui exaltent l'histoire et la mentalité du peuple tchèque ; ainsi, Libuze (1872) qui est intégralement contenu dans la CIME.

Aujourd'hui, on commence à peine à connaître sa musique de chambre, comme son quatuor en Mi mineur, dit "De ma Vie", et ses fort belles pièces pour piano intitulées "Danses tchèques", lesquelles furent publiées en deux recueils (1877). Bien qu'ils s'expriment dans un langage musical qui est bien celui de leur époque, et ne va pas plus loin, Smetana et son cadet Dvorak doivent être classés au rang des grands créateurs d'Ecoles Nationales, au même titre que Borodine et Moussorgsky chez les Russes, Grieg et Sibelius chez les Scandinaves, Albeniz et Granados  chez les Espagnols.

Alexandre Borodine (1833 - 1887) §

 

Quiconque s'intéresse à la musique post-romantique ne peut ignorer l'importance de la Russie dans la seconde moitié du XIXème siècle, et son entrée en lice au premier rang des nations européennes dans le domaine musical. L'aventure durera environ un siècle et ira, sans discontinuité, d'Alexandre Borodine et Modeste Moussorgsky à Dimitri Chostakovitch et Aram Katchaturian...

Borodine, lui, était le fils naturel d'un prince géorgien et de la fille d'un soldat russe, de 37 ans sa cadette. C'est pourquoi, sans doute,  la rencontre de la Russie d'Europe et de celle d'Asie revient comme une pensée directrice dans ses oeuvres les plus célèbres, celles qui lui tinrent le plus à coeur. Cette affirmation s'applique tout particulièrement à son poème symphonique intitulé "Dans les Steppes de l'Asie Centrale" (1869), et à la grande oeuvre de sa vie "Le Prince Igor", un opéra qui fut achevé après sa mort par Rimsky-Korsakov et Glazounov, et créé à Saint-Petersbourg en 1890. Car Borodine n'était pas compositeur "à plein temps", comme on dirait aujourd'hui. C'était un génie polyvalent qui se passionnait aussi pour la chimie, et qui devint médecin militaire à la suite de brillantes études. On notera parmi ses oeuvres principales ses deux symphonies achevées, dont la première fut dirigée par Liszt en personne lors de sa création en Allemagne, à Weimar en 1880, treize ans après que Borodine l'eut composée. A cela s'ajoutent deux quatuors (1878 et 1885) qui valent à peu près ceux que le tchèque Smetana avait écrits dans le même esprit, à la même époque.

Tout cela se retrouve dans l'application numérique de la CIME, y compris une intégrale du Prince Igor, avec dans le troisième acte, les fameuses "Danses Polovstiennes".

Modeste Petrovitch Moussorgsky (1839 - 1881) §

 

A l’hôpital militaire de Saint-Petersbourg, Moussorgsky fit la connaissance de Borodine, qui exerçait dans cet établissement la fonction de médecin. Les deux hommes, qui occupent dans l’histoire de la musique européenne une place d’importance à peu près égale, rejoignirent ensuite César Cui, Mili Balakirev et Nicolaï Rimsky-Korsakov pour former avec eux le célèbre "Groupe des Cinq". C’était un cénacle qui s’était donné pour idéal esthétique la fondation d’un art musical typiquement russe, digne de rivaliser avec ce qu’avaient fait et continuaient de faire Italiens, Allemands et Français.

Moussorgsky passe pour être le plus "profond" des musiciens du groupe ; entendons par là celui dont la musique reflète le mieux le côté sombre et tourmenté de "l’âme slave" et la condition misérable du peuple en Russie, un peu comme l’ont fait dans le domaine littéraire les écrivains Gogol et Dostoïevsky.

Le plus grand chef-d’œuvre de Moussorgsky est l'opéra "Boris Godounov" (1868 - 74) qui raconte l’histoire d’un Tsar généreux et aimé de ses sujets, mais parvenu au pouvoir à la suite d’un crime dont le remord le poursuit durant tout son règne, et qui est lui-même victime d’un imposteur.

On citera encore "La Khovanchtchina" (1872-80), un autre opéra à sujet historique que son auteur n’eut pas le temps d’achever (mais qui sera finalisé par Nicolaï Rimsky-Korsakov et Dimitri Chostakovitch), "Une Nuit sur le Mont Chauve" (1867), page d’orchestre puissamment expressive qui fit la popularité de Moussorgsky, et ses "Tableaux d’une Exposition" (1874), primitivement écrits pour piano, et dont Maurice Ravel a réalisé en 1922 une orchestration magistrale.

Edouard Grieg (1843 - 1907) §

 

Britannique par son père, scandinave par sa mère, et norvégien de toute façon, Grieg doit être classé parmi les fondateurs d'une Ecole Nationale, dans la seconde moitié du XIXème siècle. Son oeuvre la plus connue est Peer Gynt, une musique de scène composée en 1876, pour la pièce de théâtre de son compatriote, le dramaturge Ibsen. Grieg en tira deux suites qui ont fait le tour du monde et assuré sa gloire pour toujours. Auparavant, il avait écrit une sonate pour violon et piano (1865), qui fut suivie de deux autres (1887 et 1895), tout aussi intéressantes, et un concerto pour piano et orchestre en La mineur (1868), auquel il doit une bonne part de sa célébrité. Celle-ci provient aussi de pièces pour piano plus ou moins brèves mais procédant toujours d'un sens extrêmement subtil de l'harmonie. De ce point de vue, on peut citer la très belle Ballade en Sol mineur (1875). Les nombreuses pièces pittoresques pour piano auxquelles il est fait allusion ici, font de Grieg, d'une certaine façon, un continuateur de Robert Schumann. Mais c'est sans doute dans le domaine de la suite symphonique que le compositeur norvégien a donné le meilleur de lui-même avec, outre les deux suites tirées de Peer Gynt déjà mentionnées plus haut, les Danses Norvégiennes (1881), la Suite Holberg (1884) et la Suite Lyrique (1891), qui est peut-être son  chef-d'oeuvre.

Pour faire bonne mesure, j'ai ajouté à cela le Quatuor en Sol mineur pour le plaisir de la découverte, lorsque je réécouterai la totalité du contenu musical de la CIME.

Piotr I. Tchaïkovsky (1840 - 1893) §

 

Si vous entendez dire, un jour, que Johann Strauss a composé les plus belles valses, n'en croyez pas un mot. C'est Tchaïkovsky qui a fait cela..., et bien d'autres choses encore :

- six symphonies numérotées (de 1866 à 1893) et une qui ne l'est pas (Manfred - 1885), faisant plutôt penser à un vaste poème symphonique en 4 parties,

- deux concertos célébrissimes qui comptent parmi les plus joués et appréciés par les concertistes et les mélomanes du monde entier : le Concerto pour piano en Si bémol Majeur de 1875 et celui, pour violon, de 1878,

- la Sérénade pour cordes en Ut Majeur (1880), dans laquelle se trouve l'une des valses auxquelles il est fait allusion plus haut,

- trois quatuors et un très beau trio avec piano en La mineur (1882),

- d'admirables ballets très appréciés en Russie et ailleurs,

- une dizaine d'opéras dont les plus connus sont "La Dame de Pique" et "Eugène Onéguine".

J'ai préféré pourtant vous donner dans la CIME la possibilité d'entendre "Opritchnik" (1872) et "Jeanne d'Arc" (1879) parce qu'on ne les donne jamais sur les scènes lyriques de chez nous et qu'ils sont aussi beaux que les deux autres...

Tchaïkosky est un extraordinaire orchestrateur doté d'un don d'invention mélodique intarissable, dont on ne trouve peut-être d'équivalent que chez un Mozart. 

Il a pourtant ses détracteurs qui lui reprochent d'avoir un coeur un peu trop haut placé, ce qui, en d'autres termes, signifie qu'il manque de retenue dans l'expression du "pathos" post-romantique. Mais c'est justement cela qui faisait dire à un autre Russe, Igor Stravinsky, que Tchaïkovsky était le plus russe des compositeurs russes et que, ni Borodine, ni Moussorgsky, dont c'était pourtant le but avoué, n'était parvenu à l'égaler dans l'expression de l'âme et du tempérament slaves.

Nicolas Rimsky-Korsakov (1844 - 1908) § 

 

Il est notoire qu'aucun des compositeurs constituant le Groupe des Cinq dont Rimsky-Korsakov faisait partie n'était, du moins à l'origine, compositeur de profession. César Cui était ingénieur, Alexandre Borodine, chimiste, Moussorgsky, officier dans l'Armée du Tsar, Mili Balakirev, chef de gare, et Rimsky-Korsakov, officier supérieur dans la marine impériale où il attint même le grade d'amiral.

Ordinairement, on accède à la connaissance de Rimsky-Korsakov par l'audition de trois oeuvres de musique symphonique dont les titres sont : La Grande Pâque Russe (1888), Shéhérazade (1888 également) et le Vol du Bourdon (1899).

La première de ces oeuvres est une belle ouverture de concert (genre proche du poème symphonique) ; la deuxième se définit comme une somptueuse et grandiose suite pour orchestre en quatre parties inspirée des Contes des Mille et une Nuits ; la troisième est un bref interlude d'opéra.

Deux phrases tirées du Fayard sur la musique symphonique résument bien ce qu'il faut penser de l'art du compositeur russe : "Narrateur et coloriste incomparable, il fut un des plus grands orchestrateurs de toute l'histoire de la musique. Son traité d'instrumentation, illustré d'exemples tirés de ses propres oeuvres, fait autorité au même titre que celui de Berlioz".

Ne pas oublier cependant que Rimsky-Korsakov est l'auteur d'une quinzaine d'opéras, énorme production qui le place sur le même plan que Tchaïkovsky pour ce qui est de la fécondité créatrice, et que quelques-unes de ses plus extraordinaires trouvailles sont à rechercher de ce côté-là.

César Franck (1822 - 1890) §

 

César Franck est né en Belgique. Cependant, c'est en France qu'il a fait carrière comme compositeur, organiste et professeur de composition.

En dépit de cela, la musique de César Franck est emprunte d'une gravité toute germanique, et d'un sérieux dont se sont emparé ceux qui furent ses principaux disciples : Vincent d'Indy, Ernest Chausson et Henri Duparc. De fait, César  Franck n'est pas seulement l'un des compositeurs français les plus doués de sa génération. C'est aussi  le chef d'une Ecole dont on retrouve les traces jusque dans la première moitié du XXème siècle chez un Paul Dukas notamment, et même chez un Albert Roussel.

Généralement, on accède à la connaissance de la production musicale de César Franck par sa Sonate pour violon et piano en La Majeur (1886), et par sa Symphonie en Ré mineur tout aussi célèbre (1888). Ces oeuvres font apparaître ce que le maître belge a ramené sur le devant de la scène et qui, chez les autres compositeurs français de son temps, avait eu tendance à passer au second plan : une conception évolutive de l'harmonie, qui, par certains côtés rejoint celle de Wagner, le retour du contrepoint et l'idée de la circulation des thèmes à travers les différents mouvements  d'une même oeuvre. Les musicologues appellent cela "le cyclisme". 

Vous trouverez ces exemples célèbres et quelques autres qui le sont moins, dans le contenu musical de la CIME, où n'a pas été oublié le chef-d'oeuvre de César Franck, qu'il mit dix ans à composer (1869 - 1879), et dont il n'entendit jamais aucune exécution publique : l'oratorio intitulé "Les Béatitudes".

Enfin, une dernière remarque à propos de César Franck est qu'il n' a atteint sa maturité compositionnelle que très tardivement :  pas avant la cinquantaine.

Anton Bruckner  (1824 - 1896) §

 

Neuf symphonies, trois messes, des motets bien écrits et qui ne manquent pas d'allure...

Pour les uns, Bruckner, c'est du sous-Wagner ; pour les autres, c'est beaucoup mieux que du Wagner. Mais il est certain que ces derniers se trompent absolument. On a dit que cet Allemand du Sud, autrichien et catholique comme il se doit, avait écrit  la musique favorite des SS. Je ne crois pas que ces gens-là aient été spécialement mélomanes, ni qu'ils aient eu le temps d'écouter beaucoup de musique symphonique, sacrée ou non. Mais la musique des Uhlands, oui, pourquoi pas ?

Johannes Brahms (1833 - 1897) §

 

Il y a quelques décennies de cela, une romancière célèbre nommée Françoise Sagan écrivit un livre à succès ayant pour titre "Aimez-vous Brahms ?". J'ignore si cet ouvrage valait le précédent, "Bonjour tristesse", mais il est certain que la question posée était pertinente. Brahms, en effet, est un compositeur qui compte à peu près autant de détracteurs que de laudateurs inconditionnels. Ces derniers ont élaboré la théorie des 3B selon laquelle l'auteur du Requiem Allemand serait le plus grand musicien de sa génération, succédant dans ce rôle à Bach et Beethoven. D'autres se montrent beaucoup plus dubitatifs et pointent du doigt le manque de variété, une certaine lourdeur et l'absence de renouvellement qui marquent, selon eux, le style de Brahms. Quoi qu'il en soit, nul ne peut nier que ses quatre symphonies, ses deux concertos pour piano, son concerto pour violon, son "double" concerto pour violon et violoncelle, ses Variations symphoniques sur un thème de Haydn, ne constituent de grands moments dans l'histoire de la création musicale en Europe, dans la seconde moitié du XIXème siècle. A cela s'ajoutent trois sonates pour violon et piano, deux sextuors, un quintette avec clarinette, le trio en Ut mineur pour violon, violoncelle et piano qui classent de manière incontestable leur auteur au rang des compositeurs les plus importants du post-romantisme. Certes Brahms n'est pas un révolutionnaire ; et il est même tout le contraire de cela ! A l'oreille de certains, cela serait plutôt un avantage alors que pour d'autres il s'agirait d'un défaut.

A chacun de se faire son idée sur la question..., mais il faut avouer que la Quatrième Symphonie (1885), le Premier Sextuor (1851) et la Troisième Sonate pour violon et piano (1888) ont de quoi emporter sans aucune réserve l' adhésion du mélomane le plus exigeant. On trouvera toutes ces oeuvres et quelques autres dans le contenu musical de la CIME (version numérique).

Antonin Dvorak (1841 - 1904) §

 

Né huit années après Brahms, Dvorak est un compositeur d'Europe Centrale, tchèque plus exactement, qui a conquis une célébrité mondiale grâce à sa dernière symphonie (1893), celle qui est dite "du Nouveau Monde", et un très beau concerto pour violoncelle et orchestre (1895). C'est dans un contexte particulier que furent élaborées ces deux oeuvres auxquelles il faut ajouter une troisième, le quatuor en Fa Majeur appelé pour la même raison "Américain". En effet, Dvorak, de 1892 à 1895, fut amené à diriger le Conservatoire de New-York, et il fut ainsi le premier grand compositeur européen à séjourner aux Etats-Unis. Ce fait, comme on vient de le voir, ne fut pas sans conséquences sur son inspiration. Mais, auparavant, Dvorak avait composé un certain nombre d'oeuvres de toutes sortes qui le placent parmi les plus grands compositeurs slaves qu'ait connu l'Europe au moment du "réveil des nationalités". Parmi celles qui ont franchi les frontières de la "Bohème" (nom donné à la Tchéquie quand elle faisait partie de l'Empire autrichien), on peut citer le Stabat Mater de 1877, la Suite Tchèque de 1879 et le Quintette en La Majeur de 1887. Ces oeuvres qui, elles, n'ont rien d'américain s'inscrivent dans la continuité de Bedrich Smetana, "père", comme on le sait, de la musique tchèque.

On peut accéder à l'audition de toutes les oeuvres dont le titre est indiqué plus haut en acquérant la version numérisée de la CIME (voir "application"). 

Gabriel Fauré

Gustav Mahler

Giacomo Puccini (1858 - 1924) §

 

"La Bohême" (1896), "Tosca" (1900), "Madame Butterfly" (1904) et "Turandot" (1924) sont les quatre opéras qui ont fait la gloire universelle de Giacomo Puccini, ce compositeur italien né à Lucques, en Toscane. Après Rossini, Bellini, Donizetti, Verdi, mais appartenant à une autre génération (il est le contemporain de Debussy), Puccini est le dernier des compositeurs italiens représentatifs du XIXème siècle, dont le domaine d’expression favori, sinon exclusif, est demeuré le chant et la scène du théâtre d’opéra.

On considère par ailleurs Puccini comme l’initiateur d’une esthétique nouvelle qui s’est imposée en Italie, au début du XXème siècle. Cela s’appelle le "vérisme" et a pour ambition, comme son nom l’indique, de rapprocher le monde de la fiction lyrique de celui de la réalité vécue.

 Le "vérisme" a eu comme principaux représentants Pietro Mascagni ("Cavaliera Rusticana") et Leon Cavallo ("Paillasse").

Isaac Albeniz (1860 - 1909) §

 

Né en Catalogne, Albeniz est l’un des trois compositeurs et pianistes illustres qui, à la fin du XIXème siècle et au début du XXème, ont apporté à la musique espagnole un éclat et une expressivité qu’elle n’avait jamais connus avant, et qu’elle ne connaîtra plus après eux. Les deux compatriotes du musicien catalan auxquels il est fait allusion ici, se nommaient Enrique Granados (1867 - 1916) et Manuel de Falla (1876 - 1945).

On prétend qu’Albeniz donna son premier récital à l’âge de 4 ans, ce qui semble incroyable ! Mais il est certain, cependant, qu’il fut, dès son plus jeune âge, un prodige du clavier. En 1880, il rencontra Franz Liszt ; et c’est d’ailleurs à ce compositeur romantique hongrois que sa technique pianistique, pouvant être qualifiée de "virtuosité transcendante", fait penser.

La production d’Albeniz est très abondante en volume, et importante en qualité. Mais c’est surtout par ses œuvres inspirées du folklore espagnol qu’il a acquis une gloire durable, et qu’il cause encore aujourd’hui notre étonnement admiratif. Certaines pages d’Albeniz, primitivement écrites pour le piano, ont fait l’objet de transcriptions pour guitare, et c’est d’ailleurs sous cette forme qu’elles sont parvenues à la connaissance du grand public.

Parmi les œuvres "incontournables" d’Albeniz, on citera en premier lieu sa "Suite Espagnole" (1889) et ses "Chants d’Espagne" (1892). Mais son plus grand chef-d’œuvre demeure, sans doute, les quatre Cahiers d’"Iberia" dont il composa les deux premiers en 1906 ; le troisième et le quatrième furent achevés en 1908, l’année précédant sa mort, en France, au Pays Basque, à Cambo-les-Bains.

 

Serge Rachmaninov