LA QUERELLE DU DERNIER DEMI-SIECLE

On sait que, par la suite, Yannis Xenakis et Pierre Boulez se sont fâchés, le premier reprochant au second de limiter la musique aux douze sons du total chromatique, et d’y introduire une dose excessive d’ingrédients aléatoires et incontrôlés tels que la fameuse "réserve de notes" du second. Yannis Xenakis a précisé ses critiques en disant que l’évolution des méthodes de composition chez Pierre Boulez et d'autres, ouvrait à l’interprète la possibilité de faire "n’importe quoi". Bien avant leur "querelle" dans les années 60, Pierre Boulez avait écrit un livre intitulé "Penser la musique autrement".

 

C’était un développement très explicite et parfaitement maitrisé d’idées issues de la "méthode de composition avec douze sons", autrement appelée "dodécaphonisme", laquelle avait été publiée en 1922 à Vienne par Arnold Schoenberg. Pierre Boulez y examinait les possibilités offertes par la généralisation du principe de la série dodécaphonique à tous les paramètres du son. Ces possibilités avaient déjà été entrevues par Arnold Schoenberg lui-même. Elles avaient aussi été approfondies par le plus rigoureux de ses disciples qui avait pour nom Anton Webern. C’est pourquoi Pierre Boulez avait pu proclamer, à l’époque, que c’est surtout Anton Webern qui l’avait inspiré, et que ce dernier "était le seuil de la musique moderne". Il fallait entendre par ces mots, "le début de la musique sérielle", dont lui, Pierre Boulez, était le seul et vrai penseur accompli et l’unique continuateur conséquent. Malheureusement, durant son séjour aux Etats-Unis, Pierre Boulez fut contaminé par la mode des anti-paradoxes et autres expériences ridicules et absurdes lancée par un certain John Cage. C’est ainsi qu’il introduisit dans sa musique le principe de la "forme ouverte" : l’œuvre qui n’est jamais terminée car on laisse le soin de le faire à l’interprète du moment. De là proviennent les critiques de Yannis Xenakis qui, lui, ne laisse jamais rien à l’improvisation et chez qui tout est préalablement calculé en fonction de règles inspirées des Mathématiques ou de la Science Physique.

 

Notons cependant que les reproches de Yannis Xenakis, fondés seulement en partie pour Pierre Boulez, auraient été plus pertinents encore s’ils avaient été adressés à un troisième disciple de Olivier Messiaen, ami de Pierre Boulez et nommé Karl-Heinz Stockhausen. Ce dernier, en effet, après diverses excentricités comme une œuvre "composée" pour un quatuor d’hélicoptères, avait complètement libéré l’entrée de la "forme ouverte" dite du "happening" en laissant toute liberté d’improvisation, et dirait-on aujourd’hui, tout loisir d’interactivité aux musiciens, ses interprètes. Lors d’un concert à la Fondation Maeght de Saint-Paul de Vence, auquel j’eus le privilège d’assister, il se contenta de donner quelques vagues indications par gestes sur ce qu’ils - les interprètes - devaient jouer, mais qui n’était pas noté, sinon par signes cabalistiques, sur une feuille grande comme une carte de visite ; ceci pour un concert qui dura plus de deux heures, et dont l’auteur s’éclipsa nous plantant là sans ménagement plus de vingt minutes avant la fin…

 

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Commentaires: 1
  • #1

    Mamon (dimanche, 18 novembre 2018 10:08)

    Bonjour Monsieur,